Réunion de rentrée DCSD
Seul le prononcé fait foi.
Messieurs,
Je salue cette initiative de l’attaché de défense, le Colonel Lainé, d’organiser cette réunion de rentrée. Nous aurons, je l’espère, d’autres occasions de nous voir tout au long de l’année mais pas nécessairement dans ce format du réseau des coopérants militaires.
Je suis heureux de pouvoir saluer parmi vous les anciens, si je puis dire, notamment l’équipe de l’EAI de Thiès qui m’avait accueilli en juin dernier.
Je souhaite aussi la bienvenue à ceux qui nous rejoignent et que je suis heureux d’accueillir à Dakar, au sein de l’équipe France que j’ai le privilège de diriger : le colonel de Charnacé pour le projet d’« Institut de défense sénégalais » ; le lieutenant-colonel Rivas pour le projet d’« Appui à l’état-major de l’armée de l’air » ; le lieutenant-colonel Pagni pour le projet d’« Appui à l’état-major général des armées » ; et le lieutenant-colonel Dupé, le nouveau chef de la division « enseignement militaire supérieur ». Cette seule énumération dit bien la diversité des coopérations que nous menons dans et avec ce pays, j’y reviendrai, et la qualité, sans flagornerie, de ceux qui les servent.
J’espère que cette année me permettra de venir vous voir sur vos lieux de travail. Je pense notamment, mais pas exclusivement, à l’école de l’air à Thiès et à l’Institut de défense sénégalais, peut-être aussi à l’école de la marine, si celle-ci progresse bien dans les mois qui viennent.
Je voudrais insister plus particulièrement ce matin sur trois sujets.
1/ Le métier de coopérant, d’abord
Je mesure combien votre métier est spécifique et parfois difficile. Vous devez gérer une relation de partenariat, avec ses particularismes, ses susceptibilités, ses héritages. Vous devez faire progresser un projet, et le faire avancer à deux. Parfois, cela prend plus de temps que prévu ou qu’on souhaiterait. Cela demande beaucoup de détermination, de force de conviction et de doigté.
Je mesure aussi votre possible isolement, vous qui êtes insérés au sein d’une armée étrangère. Sachez que l’ambassade est à vos côtés et à votre disposition pour vous soutenir, administrativement bien sûr, mais aussi humainement, y compris, si vous le souhaitez, pour les aspects plus personnels du déroulement de votre mission. Même placés physiquement hors ses murs, vous faites partie intégrante de l’ambassade et serez bien évidemment associés aux activités dites de « cohésion », pour reprendre une terminologie militaire.
Vous êtes en effet les héritiers et les continuateurs d’un dispositif de coopération jadis bien plus nombreux. La taille compte bien sûr mais, plus encore, la qualité de la relation de partenariat. Les temps changent et nous nous adaptons. Nous le faisons sans cesse, en fonction des circonstances, de l’environnement, des enjeux, des menaces et de leurs évolutions. Nos partenaires sénégalais comptent sur vous : en un mot, davantage de coopération et moins d’engagements opérationnels directs : c’est bien le cœur de la stratégie post Barkhane et vous en êtes des rouages essentiels.
Vous êtes au cœur de la relation privilégiée que nous entretenons avec le Sénégal. Nous sommes le seul pays à conserver ce type de coopération, dans le domaine le plus régalien qui soit, celui de la défense et de la sécurité qui touche très directement à la souveraineté de l’Etat.
Vous êtes aussi des ambassadeurs de notre pays, postés au plus près du terrain. Votre comportement doit donc bien sûr être exemplaire et irréprochable. Vous êtes des relais des positions de la France. Vos propos doivent être en phase totale avec la ligne du Département.
Vous êtes également des capteurs exceptionnels des réalités, des évolutions et des préoccupations sénégalaises car, en travaillant et en vivant au milieu de vos partenaires, en partageant leur quotidien, vous serez de ceux qui les connaissent le mieux. Vos analyses nous seront donc très précieuses.
Votre mission emprunte ainsi au métier des armes comme à celui de la diplomatie. C’est en cela que votre détachement au Quai d’Orsay prend tout son sens et vos fonctions tout leur intérêt, pour vous et la France que vous servez.
2/ Le contexte sécuritaire régional, ensuite
Je ne vais pas vous faire ce matin un exposé de géopolitique sur une région que vous connaissez aussi bien, voire mieux que moi. Je voudrais seulement souligner trois enjeux qui, ici en particulier, me paraissent renforcer encore la pertinence et l’importance des missions de coopération qui vous sont confiées.
Les évolutions les plus récentes (instabilité chronique de la sous-région, multiplication des coups de force, poussée des groupes djihadistes en direction du Golfe de Guinée, difficulté à transformer d’importants succès tactiques en succès stratégiques, incurie politique, interférence d’Etats concurrents, voire adversaires, etc.), tous ces mouvements montrent, s’il en était besoin :
d’une part, l’absolue nécessité de la coopération internationale, objectif aussi facile à formuler que difficile à mettre en œuvre. C’est tout l’enjeu notamment de Takuba, de l’articulation avec les opérations des Nations Unies, des relations avec les États du G5 Sahel et, plus largement, des enceintes multilatérales, telles que la CEDAO et l’Union africaine. En clair, aucun Etat, aussi puissant soit-il, ne peut prétendre régler seul les crises contemporaines, notamment celles qu’affronte l’Afrique de l’Ouest.
d’autre part, l’absolue nécessité d’une stratégie de sortie et d’un relais par les forces locales. C’est, là encore, une antienne bien connue qui a occasionné beaucoup de déboires et de récentes débâcles. Vous le savez mieux que moi, toute force d’intervention finit, tôt ou tard, par être perçue comme une force d’occupation. C’est tout l’enjeu de la formation, de l’accompagnement et de l’équipement des forces armées locales. En clair, aucune crise ne trouve sa solution à l’extérieur du pays et, sans appropriation locale, il ne peut y avoir de solution de long terme.
enfin, l’absolue nécessité de doubler l’effort militaire par des actions de développement au bénéfice direct des populations et par une stratégie politique qu’on qualifie aujourd’hui d’inclusive. Vous connaissez cette approche dite des 3 D, combinant défense, diplomatie et développement. Vous savez aussi sa complexité. En clair, la force militaire est souvent nécessaire, mais jamais suffisante pour résoudre des conflits qui exigent aussi des solutions politiques et économiques.
Coopération, formation, coordination, inclusion : ces quatre termes définissent précisément les missions qui vous sont aujourd’hui assignées.
3/ Les échéances de l’année qui s’ouvre enfin
Vous avez participé au séminaire d’accueil organisé la semaine dernière. Je ne vais donc pas revenir sur les grands enjeux de nos relations avec le Sénégal.
Je vais en revanche insister sur la place centrale de notre coopération en matière de sécurité avec les Sénégalais. Vous entendrez parler de French Bashing, dont certains ici ont fait leur fonds de commerce. Vous entendrez beaucoup parler de la concurrence croissante, et pas toujours juste, que nous opposent les Chinois, les Turcs, voire les Russes, quand ce ne sont pas les Américains ou les Allemands. Il ne faut pas les sous-estimer.
Mais, en matière de défense et de sécurité, la France reste le partenaire de référence et de confiance des autorités sénégalaises. Nos actions pour renforcer les capacités des forces de sécurité sénégalaises pour lutter contre les trafics, assurer la stabilité et la sécurité du Sénégal et soutenir l’engagement des forces sénégalaises au sein des opérations de maintien de la paix, sont essentielles. À nous de conforter cette relation privilégiée.
A cet égard, cette année sera une année charnière avec la transformation à venir de Barkhane et la poussée des GAT au Mali et en direction du Golfe de Guinée que je viens d’évoquer rapidement et qui inquiètent notre partenaire.
De grands rendez-vous dans les prochaines semaines et les prochains mois rythmeront notre dialogue politique et sécuritaire au plus haut niveau : le séminaire intergouvernemental peut-être en novembre, le Forum de Dakar les 6 et 7 décembre, auquel devraient participer Florence Parly et Jean-Yves Le Drian, les présidences concomitantes de l’UE par la France et de l’UA par le Sénégal au 1er semestre 2022.
L’année qui s’ouvre sera également marquée par des élections, en France bien sûr, en avril et en juin, comme au Sénégal avec les scrutins locaux du 23 janvier prochain. A cet égard, le premier trimestre 2022 sera certainement le moment de plus forte concentration de notre effort, dans les enceintes multilatérales mais aussi dans les cadres bilatéraux.
Voici, en quelques mots, ce qui nous attend cette année.
Je vous souhaite, en conclusion, une bonne installation pour ceux qui arrivent, une bonne continuation pour ceux qui rempilent, à tous de beaux succès au service de la relation franco-sénégalaise.
A très bientôt, j’espère./.